Gargantua se réveillait donc vers quatre heures du matin. Pendant qu’on le frictionnait, on lui lisait quelque page des saintes Écritures, à voix haute et claire, avec la bonne prononciation. Un jeune page nommé Anagnostes, natif de Basché, était chargé de cette tâche.
Selon le thème et la leçon de cette lecture, il arrivait souvent à Gargantua de révérer, adorer, prier et implorer le bon Dieu, lorsque le passage lu en montrait la majesté et l’extraordinaire jugement. Puis il se rendait aux toilettes afin d’éliminer le produit des digestions naturelles. Là, son précepteur répétait ce qui avait été lu en lui expliquant les points les plus obscurs et difficiles.
À leur retour, ils considéraient l’état du ciel et vérifiaient s’il se trouvait tel qu’ils l’avaient observé la veille au soir. Ils se demandaient aussi dans quels signes le soleil et la lune entraient ce jour-là.
Cela fait, il était habillé, peigné, apprêté, préparé et parfumé. Pendant ce temps, on lui répétait les leçons de la veille. Lui-même les récitait par cœur et y appliquait quelque exemple concret sur la condition humaine, parfois durant deux ou trois heures. Mais, ordinairement, ils s’interrompaient lorsqu’il était complètement habillé. Alors, durant trois bonnes heures, on lui faisait la lecture.
Cela fait, ils sortaient, toujours en discutant des enseignements de la lecture, et se rendaient à la Bracque ou sur un pré, pour jouer à la balle, à la paume, à la pile trigone. Ils s’exerçaient ainsi gaillardement le corps, comme auparavant ils s’étaient exercé l’esprit.
François Rabelais, Gargantua, chapitre 21, 1535
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